Mélanie QUENTIN
Hommage à Jacques Tati
Inauguration - Discours - Interview

Interview de Mélanie Quentin, sculpteur.

Qu'est-ce qui vous a intéressé dans ce projet ?
Le thème, le fait d'avoir à travailler autour de l'oeuvre de Jacques Tati. Je me sentais très proche de son personnage et ne ressentais aucune difficulté à entrer dans son monde.
Plus particulièrement, ce film "Mon Oncle" aborde des thèmes qui me sont chers et qui m'ont permis de m'exprimer.
Il y a tout d'abord l'extraordinaire Monsieur Hulot, poète et rêveur.
Il y a cette merveilleuse complicité entre l'homme et l'enfant. Le respect de l'être, de l'autre. La communication qui s'établit entre l'adulte et l'enfant.
Et puis aussi, la confrontation de deux univers totalement opposés : à l'époque, c'est la mode du formica, le monde moderne tend à s'aseptiser. Alors que le monde de Monsieur Hulot, imprégné de poésie, met en valeur la richesse des valeurs humaines.

Comment avez-vous abordé un tel sujet ?
En réalité, je n'ai eu aucune difficulté à pénétrer son monde.
Bien sûr, cela a été tout d'abord un travail de recherche. J'ai vu et revu le film "Mon Oncle" mais j'ai aussi vu tous les autres films de Jacques Tati. J'ai pu retrouver à la bibliothèque le livre (édition épuisée) de Marc Dondé "Jacques Tati" qui retrace son parcours.
Pendant plus d'un mois, j'ai regardé les cassettes, lu et relu le livre de Marc Dondé, contemplé les photos. Je m'imprégnais de son personnage, de son univers, de son comportement, ses attitudes ; de son évolution, aussi, au travers de son oeuvre. Tout était important pour le comprendre.
En fait, je me suis tout de suite sentie très proche de lui et plus je "l'étudiais", plus nous étions complices. Ce n'est qu'une question de langage, je n'avais plus qu'à me mettre au travail avec mon langage à moi, avec la terre.

C'est un travail qui est à la fois très physique -il s'agit d'une sculpture monumentale- et qui génère beaucoup d'émotion, comment cela s'est-il passé ?
C'est venu tout de suite. Bien sûr, il y a la fatigue mais tout cela est secondaire.
C'est comme un accouchement.
J'ai tout oublié pour faire cette sculpture. Le monde de Tati correspond tellement au mien. L'humain, la poésie, l'observation de l'autre, l'émotion silencieuse. S'ouvrir pour mieux ressentir, pour mieux donner et recevoir. Pour mieux retranscrire l'émotion de l'instant, l'émotion d'un être, de son vécu.


Vous parlez comme s'il s'agissait d'un même art, comme si c'était si évident ! Tati faisait des films et vous êtes sculpteur, où est le point commun ?
La sculpture, si elle est réussie, vous offre spontanément une émotion. Elle n'a pas besoin d'être esthétiquement parfaite. Paradoxalement, une sculpture réussie est une sculpture "vivante". Vous avez envie de la toucher, vous avez l'impression de communiquer ou de la comprendre, ou encore qu'elle vous comprend. Et pourtant, une sculpture ne parle pas, ne bouge pas. Ce n'est qu'un peu de terre, de bronze...
C'est ce que j'appelle "l'émotion silencieuse".
Chez Tati, on retrouve cette sensation. Il y a des dialogues, certes, mais peu.
Et beaucoup d'attitudes, de plans dans ses films qui suggèrent une atmosphère, une émotion. Son monde intérieur, sa sensibilité parlent sans mot.
Ä notre façon, nous faisons la même chose, seul le mode d'expression change.


Aujourd'hui, la sculpture de Jacques Tati est sur la place de la Pelouse, cette place même où le film a été tourné. Que ressentez-vous ?
Il me semble que la sculpture offre une plus grande pérennité au film, au monde de Tati. Témoin d'une époque, elle suscite la curiosité, les gens communiquent, posent des questions. Tati a trouvé, ou plutôt retrouvé, sa place et nous offre à jamais son humanité.
Je suis fière et heureuse d'avoir participé à la concrétisation de son souvenir.

Propos recueillis par Lita F.

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